Ce que le rapport IGAS en France nous oblige à voir, au Québec
- Valorisons ma Profession
- 25 avr.
- 3 min de lecture
En mars 2023, le gouvernement français rendait public un rapport-choc de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la qualité de l’accueil dans les crèches. Mais ce rapport ne vient pas seul.

Il s'inscrit dans une série de mobilisations, d'enquêtes journalistiques (Les Ogres, Le prix du berceau) et de prises de position syndicales et citoyennes qui, ensemble, dressent un constat alarmant : une formation insuffisante du personnel, une sous-qualification récurrente et des conditions de travail dégradées peuvent engendrer des risques concrets de maltraitance envers les tout-petits. Pendant que la France met ces réalités en lumière, le Québec, lui, garde le silence.
Ce que disent les constats français
Le rapport IGAS est clair : les facteurs de risque de maltraitance en contexte de garde incluent l’insuffisance de formation, le manque de temps pour réfléchir aux pratiques, la dégradation des conditions de travail et la sous-qualification. Il s’appuie sur des données de terrain, des observations rigoureuses et des témoignages de professionnels qui expriment leur impuissance face à des environnements mal encadrés, où des gestes inadaptés ou des "douces violences" peuvent s’installer.
Mais ce diagnostic est partagé par d’autres sources : des journalistes d’enquête ont exposé les pratiques de certains groupes privés où la rentabilité passe avant la qualité. Des collectifs comme Pas de bébés à la consigne et des syndicats ont mobilisé des milliers de professionnelles pour demander des mesures urgentes.
Tous s'accordent sur un point : sans personnel formé, il ne peut y avoir de qualité d'accueil.
Un article publié dans Les Pros de la petite enfance souligne d’ailleurs que le rapport IGAS remet en question non seulement les pratiques de certaines crèches privées, mais aussi l’adéquation entre les normes d’encadrement actuelles et la réalité du terrain, notamment en ce qui concerne le temps accordé à la réflexion pédagogique et à la collaboration entre collègues. La formation continue, la supervision et les conditions de travail sont désignées comme des leviers incontournables pour prévenir les dérives.
Ce que cela révèle au Québec
Au Québec, la réalité est pourtant similaire : pénurie de personnel, recrutement de personnes sans formation complète, départs massifs des personnes éducatrices qualifiées, surcharge, absence de temps de concertation. Mais ici, personne ne pose la question des risques pour les enfants.
Alors que la France reconnaît officiellement que la sous-qualification est un facteur de risque, le gouvernement du Québec la banalise. On continue de distribuer le titre d’éducatrice à des personnes sans formation spécialisée, sans se demander ce que cela implique pour les tout-petits. On prolonge les mesures temporaires d’assouplissement. On parle de "service à offrir aux parents", en oubliant que ces services accueillent des enfants, et que leur développement exige une expertise.
Pendant ce temps, la ministre impose de plus en plus de mécanismes d’imputabilité financière aux milieux, sans reconnaître ni améliorer les conditions de travail, ni garantir aux équipes un temps de concertation pourtant essentiel. Cette logique punitive, appliquée dans un contexte de sous-qualification et de surcharge, fait peser la responsabilité sur les épaules des personnes éducatrices sans leur en donner les moyens. Le contraste avec les constats français est frappant.
Nommer les risques pour mieux les prévenir
Ce que nous enseignent les mobilisations françaises, c’est que le danger ne vient pas seulement d’intentions malveillantes : il vient aussi de l’absence de formation, du manque de supervision, de la solitude professionnelle, du travail à flux tendu. Bref, il vient de choix politiques qui nient l’importance du travail éducatif et de celles qui le portent.
En France, l’alarmante conclusion d’un rapport a permis de mettre en débat des pratiques, de nommer des responsabilités et de remettre l’enfant au centre. Au Québec, il est temps d’ouvrir les yeux. L’insuffisance de formation, ici aussi, met les enfants en danger. Et refuser de le voir, c’est participer à ce danger.
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